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Micro-histoires dans leur contexte »

 

MAGDELAINE FAURE

 

La personne la plus connectée à Angoulême en 1764 – c’est à dire la personne dans les registres paroissiaux avec le plus d’arêtes, ou de connexions, à d’autres – était Magdelaine Faure, une femme de 21 ans venue de la paroisse de St Jacques de l’Houmeau, située sur les quais. Elle se maria en octobre 1764 avec Jean Roy, un relieur; dix-neuf personnes signèrent l’enregistrement de leur mariage. Lors d’autres occasions aussi elle se prouva connectée, ou sociable. Elle était enregistrée comme la marraine de la fille d’un tailleur de pierre en septembre 1764, aussi à St Jacques; en octobre elle signa l’enregistrement du baptême de la fille d’un gardien de four dans la paroisse intérieure  de St Paul; en novembre elle signa l’enregistrement d’un autre baptême, à St Martial.

Magdelaine Faure vivait au milieu d’échanges d’informations et d’industrie. Son père était messager, voyageant entre Angoulême et Bergerac, dans la Dordogne; il avait été auparavant un courrier dans le service messager entre Angoulême et Bordeaux. Sa soeur, Luce Faure, était tapissier. Son mari était outilleur avant de devenir relieur; son beau-frère (le mari de sa soeur Marguerite, ainsi que l’un des frères de son mari) était successivement tonnelier, emballeur , et relieur. Magdelaine et ses soeurs étaient des figures sociables et lettrées, et de fréquentes signataires dans les paroisses de la ville. En 1760, quand elle avait 16 ans, elle et son futur mari étaient parrain et marraine dans la paroisse de St Paul; Luce Faure aussi signa l’enregistrement, à l’age de 12 ans. Les trois soeurs signèrent l’enregistrement du baptême du fils d’un apprenti-messager en mai 1765, à St Jacques. Jean Roy était le parrain et Luce Faure la marraine; Magdelaine Faure était enceinte de six mois. Marguerite Roy, la fille de Magdelaine Faure et de Jean Roy, naquit le 14 août 1765, et fut baptisée le même jour, dans la paroisse de St Jacques. Elle mourut quatre jours plus tard, et fut enterrée le 19 août 1765. Magdeleine Faure survécut sa fille de neuf jours. Elle fut enterrée à St Jacques le 27 août 1765, une semaine après son 22ème anniversaire.

Avec toutes ses connections et sa sociabilité, ses amitiés et relations familiales, Magdeleine Faure fait partie de la micro-histoire de la période des lumières à Angoulême, et du milieu des imprimeurs et des relieurs qui était tellement susceptible, pour les ennemis des lumières, aux séductions des temps modernes. Elle fait aussi partie de l’histoire sociale de l’insécurité. 1764 était une année relativement saine dans la paroisse de St Jacques – il n’y eurent « seulement » 26 décès de bébés et d’enfants jeunes. Le taux de mortalité infantile – c’est à dire le rapport décès / naissances, était de 23 pourcent. Une femme seulement mourut dans les séquelles de l’accouchement. En 1765, il y eurent 82 décès de bébés et d’enfants jeunes, et un taux de mortalité de 77 pourcent. 12 des enfants nés dans la paroisse en 1764 y moururent l’année suivante; 5 encore avaient des frères ou soeurs qui moururent en 1765. Dans les mois périlleux d’été , quand les maladies épidémiques en ville étaient les plus meurtrières, 6 enfants moururent à St Jacques en 1764; 45 enfants moururent dans la paroisse en août et en septembre 1765.
Jean Roy se remarria en 1767, dans la paroisse de St André. La mère et la soeur de Magdelaine signèrent l’enregistrement. Il eut encore neuf enfants, et fonda une dynastie d’imprimeurs, de papetiers  et de lithographes.

AM-A, baptême de Magdelaine Faure, GG126/48; mariage de Magdelaine Faure et Jean Roy, GG130/25; baptême de Marguerite Roy, GG130/44; enterrement de Marguerite Roy, GG130/44; enterrement de Magdelaine Faure, GG130/45; mariage de Jean Roy et Marie Doraud, GG43/39; signatures de Magdelaine Faure, GG129/9,52,109,157-158, GG130/22,39, GG89/90,108, GG109/186; signatures of Luce Faure, GG129/9,52,109,157-158, GG130/39,44, GG89/90; baptêmes et enterrements d’enfants à St Jacques in 1764-1765, GG130/1-56; mariages de Jean-Jacques Roy (fils de Jean Roy) et Jean-Baptiste Durand  (petit-fils de Jean Roy), 1E33/36, 1E76/69-70, et voir http://elec.enc.sorbonne.fr/imprimeurs/node/23542 et http://elec.enc.sorbonne.fr/imprimeurs/node/23543.

« J’avois envoyé quelques livres chez mon relieur, entre autres, le Système de la Nature », écrit Madame la Baronne au début du roman anti-philosophique de l’Abbé Barruel Les Helviennes , publié peu de temps avant la Révolution. L’apprenti relieur « passa la nuit à feuilleter ces livres, et prit le lendemain quelques libertés avec la fille de son maître », à laquelle il dit avec confiance « qu’il n’y avoit point d’enfer, et qu’il venoit de le lire dans un livre de madame la baronne. » [Abbé Barruel], Les Helviennes, ou Lettres Provinciales Philosophiques (5ème édition, Paris, 1812, 4 vols.), vol. 1, p. 4. 

Faure dans son contexte

 

 

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